En France, pays qui se revendique comme la patrie des droits de l’Homme et de la laïcité, une réalité demeure soigneusement occultée : les discriminations systémiques à l’égard des athées et de l’athéisme. L’État, loin de garantir une égalité stricte entre toutes les convictions, perpétue des inégalités de traitement qui placent les athées dans une position de citoyens de seconde zone.
Plus de 50 % des Français se déclarent athées ou sans religion, représentant une majorité pourtant largement exclue des débats publics. Ainsi, les discours politiques, les politiques publiques et les décisions institutionnelles relèguent l’athéisme au rang d’une opinion marginale, voire subversive, préférant favoriser des croyances religieuses minoritaires dans le paysage public. Cette marginalisation ne relève pas du hasard, mais d’une stratégie implicite de préservation des équilibres politiques et sociaux dominés par les traditions religieuses. L’État finance, protège et soutient indirectement des institutions confessionnelles par le biais d’aides publiques, d’exemptions fiscales et de subventions, tandis que les organisations athées doivent se battre pour obtenir une reconnaissance minimale
Il existe en France une véritable omerta sur les discriminations faites aux athées et à l’athéisme par les pouvoirs publics. Ni les institutions, ni les médias dominants, ni même les associations censées lutter contre les discriminations n’osent soulever cette question. Les associations laïques et organismes de lutte contre les discriminations, pourtant en première ligne dans ce combat, restent frileux dès qu’il s’agit de dénoncer explicitement les inégalités dont souffrent les athées, les ignorant, comme si l’absence de croyance ne pouvait, par définition, être une conviction à défendre.
Cette invisibilisation de l’athéisme n’est pas sans conséquences, entraînant son exclusion systématique des instances de dialogue interconvictionnel, qui ne reconnaissent et ne consultent que les représentants des cultes religieux. Ce biais institutionnel empêche l’athéisme d’accéder à un espace médiatique pourtant largement ouvert aux religions, contribuant ainsi à son effacement dans le débat public. Cette marginalisation se poursuit jusque dans les sphères étatiques, où l’athéisme ne bénéficie d’aucune représentation, contrairement aux instances religieuses qui, elles, sont régulièrement consultées et soutenues, y compris financièrement. Cette mise à l’écart prive les athées d’une voix dans les décisions qui façonnent la société, renforçant une inégalité qui ne devrait plus avoir sa place dans une République laïque.
L’État doit cesser de nier l’existence de ces discriminations et prendre des mesures concrètes pour garantir une égalité réelle entre croyants et non-croyants. Cela passe par la reconnaissance de l’athéisme comme étant une conviction légitime dans l’espace public, par l’intégration d’une représentation athée dans les consultations officielles sur la laïcité et par une application rigoureuse du principe de neutralité de l’État, qui ne doit pas avantager les religions sous quelque forme que ce soit. Il est temps de briser ce tabou et d’affirmer haut et fort que l’athéisme n’est ni une absence de valeurs, ni une posture anecdotique. C’est une conviction et une position philosophique, politique et sociale qui doit être reconnue et défendue avec la même vigueur que les croyances religieuses.
Sans cette reconnaissance, la laïcité à la française reste un idéal tronqué, un principe incapable d’assurer l’égalité de tous devant la loi et dans l’espace public.
G. Ragnaud