Refuser le voile islamique dans le sport : des raisons multiples, des intentions divergentes
Le débat sur le port du voile islamique dans le sport ressurgit régulièrement dans la sphère publique, chacun y allant de son jugement, de ses convictions, de ses indignations. Pourtant, s’il est un sujet où les apparentes convergences cachent de profondes divergences de fond, c’est bien celui-ci.
Car refuser le voile dans le sport ne signifie pas la même chose selon que l’on parle d’un conservateur catholique, d’un républicain laïque, d’un féministe engagé ou d’un athée convaincu. Derrière le même mot « refus » se dessinent des logiques, des objectifs et des visions du monde qui s’opposent parfois frontalement.
Pour certains catholiques, refuser le voile, c’est avant tout défendre un modèle culturel et religieux hégémonique, où l’islam est perçu comme un corps étranger menaçant une identité chrétienne fantasmée. Ce rejet s’inscrit alors dans une volonté de préserver la prééminence symbolique de leur propre foi, tout en occultant les innombrables signes religieux chrétiens encore bien visibles dans l’espace public, y compris dans certaines disciplines sportives.
Pour certains républicains, le refus du voile dans le sport relève de la défense d’un principe : celui de la neutralité. Selon eux, toute expression religieuse ostentatoire dans un cadre collectif, où l’on représente une équipe ou une nation, remet en question l’universalité des valeurs communes. Mais ici encore, cette posture peut être ambiguë : elle devient instrumentalisée lorsque l’universalisme proclamé sert à masquer des logiques électorales ou des peurs culturelles.
Nous, athées, refusons le voile dans le sport pour une tout autre raison : par cohérence. Parce que nous refusons toutes formes de prosélytisme religieux, quel qu’il soit. Parce que nous voulons préserver le sport comme un espace d’émancipation, affranchi des dogmes, des obligations divines, des traditions patriarcales. Notre combat n’est pas contre une religion en particulier, mais contre l’imposition de toute croyance religieuse dans la sphère publique, surtout lorsqu’elle affecte des jeunes femmes déjà soumises, dans certains contextes, à une pression morale et sociale considérable.
Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas le voile, c’est ce qu’il symbolise dans un cadre collectif : une soumission visible à un principe religieux, souvent imposé sous couvert de liberté. Or, la liberté ne se mesure pas à ce que l’on peut porter, mais à ce que l’on peut choisir de ne pas porter… sans conséquences.
Dans le sport, où l’on célèbre l’effort, l’égalité, le dépassement de soi, l’introduction d’un signe religieux n’est pas anodine. Elle fragmente, elle distingue, elle introduit une hiérarchie symbolique là où il devrait n’y avoir qu’un terrain de jeu partagé, neutre, libérateur.
Il est donc essentiel de ne pas confondre les raisons de ce refus. Certains le brandissent par calcul politique ou défense identitaire. D’autres, comme nous, le formulent par attachement à un idéal d’émancipation et de cohérence philosophique. Le même geste, mais des motivations opposées. Et dans cette nuance réside une vérité essentielle, « ce n’est pas le voile qui est en débat, mais la société que nous voulons bâtir. »
G. Ragnaud