La France n’appartient à aucune religion. Seul son peuple, dans sa diversité, croyants ou athées, en est l’héritier légitime sous l’égide d’une République qui garantit la liberté, l’égalité et la fraternité. C’est là l’un des principes les plus simples et les plus puissants de notre histoire, faisant qu’aucune croyance, aussi ancienne ou enracinée soit-elle, ne prime sur la loi commune.
Et pourtant, depuis plusieurs années, un discours insidieux cherche à redessiner les contours symboliques de notre pays. Il voudrait faire croire que la France aurait une “âme chrétienne”, que ses racines seraient “essentiellement catholiques”, et que la nation se renierait en cessant d’affirmer cette appartenance. Ce récit mensonger et sélectif tente d’imposer une identité confessionnelle à une République qui s’est précisément construite contre cette idée.
Le catholicisme n’est qu’une parenthèse de l’histoire de France.
Avant d’être domestiqué par la force et le despotisme catholique, la France eut des croyances et pratiques multiples. Elle fut païenne, puis humaniste, puis républicaine, a connu mille courants de pensée, de la philosophie grecque à l’esprit des Lumières, de la science à la laïcité. Ce qui a forgé son identité, celle de ces derniers siècles, ce ne sont pas les dogmes, mais la pensée libre, la raison et la justice.
Ceux qui affirment que “la France sans le christianisme ne serait plus la France” confondent délibérément héritage et propriété. Oui, le christianisme a laissé des traces dans notre culture, comme d’autres avant lui, mais ces traces n’accordent aucun droit particulier à l’Église sur la nation. Les cathédrales sont notre patrimoine collectif, pas celui d’une foi, les croix ne sont pas un emblème national, et l’école de la République n’est pas un lieu de catéchèse.
Ceux qui parlent de “racines chrétiennes” de la France oublient que la République est une construction politique, sociale et humaine qui repose sur des valeurs universelles, pas sur une religion particulière. Le seul socle qui unit les Français n’est pas la foi, mais le droit.
Revendiquer une France chrétienne, c’est nier la diversité des consciences qui la composent. C’est effacer des millions d’athées, d’agnostiques, de déistes ou de libres penseurs qui vivent, travaillent, votent et aiment ce pays autant que quiconque. C’est, en somme, remettre en cause le principe même de laïcité, ce pacte fragile et magnifique, que pourtant les religions aimeraient voir disparaître pour mieux s’imposer.
Alors non, la France n’appartient pas aux catholiques, pas plus qu’elle n’appartiendrait demain aux musulmans, aux juifs ou à quelque autre religion.
G. Ragnaud

